J'ai des envies de Nord. De forêts obscures de sapins noirs, de vent glacial, de roche et d'eau salée. De runes gravées sur la pierre, tatouées sur ma peau. D'hydromel sacré à boire dans une corne râpeuse. D'oracles dans les os et les cristaux jetés sur un morceaux de cuir élimé. D'un silence que ne briseraient que le fracas des vagues sur les falaises acérées et le croassement des corbeaux tournoyant dans un ciel anthracite. Ils sont nombreux à survoler mon foyer, depuis quelques temps. J'ai la sensation que chacun d'eux m'appelle.
En attendant je grave Ur, Tyr, Eolh, les teintant de mon propre sang. Je les appelle avec les noms qu'elles ont bien voulu me donner. J'entrevois Daeg luire faiblement, au loin, encore indistincte dans la brume, comme un phare minuscule me guidant à travers les écueils. Vegvisir, au creux de mon cœur, me force à garder mon objectif en vue, même quand mes yeux refusent de voir. La Hulotte et la Pie, sur mes épaules, tentent, de leurs voix d'oiseaux, de me rappeler qui je suis. Qui je suis vraiment. Je l'oublie si souvent.
Et c'est là depuis longtemps, sans être encore sorti. Cette fascination pour les traditions nordiques m'a toujours étreinte profondément, sans se révéler pleinement. Il aura fallu attendre la chute, la peur, le dégoût, le renoncement pour la voir exploser en myriades de gouttelettes d'eau fraîche et pure. Il aura fallu attendre la mort pour renaître.
Mais il le faut.
flivga hverian dag
iormvngrvnd yfir;
ovmc ec of Hvgin,
at hann aptr ne comiþ,
þo siámc meirr vm Mvnin
Volent chaque jour
Au-dessus du sol immense ;
Je m'inquiète que Huginn
Ne revienne pas,
Pourtant c'est pour Muninn que je suis le plus anxieux
Strophe 20 des Grímnismál, poème eddique didactique