"Chère Lyra, je t'ai envoyé [le même mail] à plusieurs reprises concernant mon [problème] et je n'ai jamais eu de réponse de ta part. Je suis en grande détresse, et je pensais que tu serais la seule à pouvoir m'aider. Mais visiblement, tu t'en fiche complètement. Finalement tu n'es pas si différente de la plupart des autres, et désormais je ne te suivrais plus. Inutile que je te fasse perdre ton précieux temps."
Passée la première réaction, qui a été un mélange de colère et d'indignation mâtinée de "mais je ne te dois rien du tout bon sang !" j'ai réalisé que si, je lui devais quelque chose. Une explication, au moins. Des mails comme celui-ci, en ce moment, j'en reçois des camions-bennes (souvent moins virulents, heureusement). Pour la simple et bonne raison que, depuis quelques mois (depuis cet été en fait) je ne réponds quasiment plus aux mails que l'on m'envoie. La raison en est simple. Je suis malade. Et pas de la grippe (même si je l'ai chopée début janvier et que ça a été l'apocalypse dans une gerbe fiévreuse de courbatures abominables et de sinus bombardés comme le centre-ville d'Alep) (toi, qui l'a chopée aussi cette année, je suis sûre que tu vois de quoi je parle). Non, ce dont je souffre est beaucoup plus emmerdant et pernicieux.
Je ne vous dirai pas de quoi il s'agit, parce que ça ne regarde que moi. Je vous dirai seulement que je souffre énormément au quotidien, que je traverse des phases horribles où j'ai parfois juste envie d'en finir, et que du coup, effectivement, je n'ai pas l'énergie de répondre à vos mails. Et pourtant, j'aimerais vraiment pouvoir le faire. Et je les lis. Tous. Mais quand je suis recroquevillée dans mon lit, coincée dans un corps qui veut visiblement ma mort, le fils de chacal, je suis vraiment incapable de répondre à vos questions, de vous donner des conseils, ou, pire, de compatir à vos malheurs. C'est horrible, c'est égoïste, je le sais bien, et cela me fait beaucoup culpabiliser. Il y a quelques temps, je me forçais, je répondais quoi qu'il arrive, de mon mieux, et je finissais vidée après deux heures passées sur mon PC à me creuser la cervelle pour vous offrir les meilleures réponses possibles. Parce que je reçois en moyenne une vingtaine de mails par jour. Mais mon état se dégrade avec le temps, puisque l'affection dont je souffre, si elle n'est pas mortelle en soi, est dégénérative. Et depuis cet été, c'est devenu du grand n'importe quoi (et en plus j'ai trouvé la bonne idée de me faire un claquage à l'épaule en bonus, mon corps est vraiment une vieille salope).
Ceux qui me suivent sur Youtube et Instagram ont noté mes longues absences, que j'ai tenté d'expliquer sous le seul prétexte de mon boulot qui me prend énormément de temps (ce qui est vrai, mais pas suffisant). La vérité, c'est que travailler me prend non seulement mon temps, mais aussi toutes mes ressources. Quand je rentre, je suis tellement épuisée et fourbue de douleur que bien souvent je m'affale sur le canapé pour ne plus en bouger. Techniquement, j'aurais le temps de vous répondre. Mais j'en suis tout simplement incapable. Et j'en suis désolée à un point que vous ne pouvez pas imaginer.
Je veux continuer à tenir ma chaîne Youtube, parce que cela me fait du bien de me sentir utile à quelque chose et de partager ces choses que j'aime tant et qui m'aident à tenir au quotidien. Mais je ne peux pas résoudre tous vos problèmes. Attention, je ne vous demande pas de ne plus m'envoyer de mails ou de demandes ! Je vous demande simplement de faire preuve de patience, et de garder à l'esprit que si je ne vous réponds pas, ce n'est pas parce que je m'en fiche, mais parce que je ne peux pas vous fournir la réponse que vous cherchez dans l'instant. La plupart de vos messages sont remplis d'affection et d'une grande bienveillance, qui me touchent énormément. Certains d'entre vous, ils se reconnaîtront, m'ont même envoyé des messages sans rien me demander, juste pour me remercier. C'est tellement précieux, tellement gratifiant que, chaque fois, j'en suis émue aux larmes.
Comme vous, j'ai mes propres problèmes. Comme vous, je dois faire avec au quotidien. Je traîne cette maladie depuis que je suis au collège, je vis avec tous les jours, mais parfois, elle me dépasse totalement. Je ne cherche ni pitié ni compassion en publiant ce message. J'ai une sainte horreur que l'on me plaigne (c'est d'ailleurs l'une des raisons qui m'ont poussée à ne pas en parler, et ce billet en sera sans aucun doute la première et la dernière mention que vous verrez ici). Je ne veux en aucun cas être étiquetée "malade". Malheureusement, c'est un des aspects de mon quotidien. Et comme mes activités sur le net font désormais partie de mon quotidien, je me dois d'être honnête avec vous, et de vous dire pourquoi. Pourquoi je disparais parfois sans prévenir. Pourquoi je ne vous accepte pas sur mon profil personnel Facebook. Pourquoi je ne vous réponds pas. Je comprends que cela puisse vous paraître injuste.
Je suis depuis pas mal de temps le merveilleux blog d'Alice Bell, La Sève et l'Encre, et je suis toujours époustouflée par son honnêteté et le courage dont elle fait preuve face à sa propre maladie. Par l'énergie qu'elle insuffle malgré tout dans ses vidéos Youtube. Je crois que c'est elle qui m'a fait comprendre que parler de sa maladie n'était pas une faiblesse, bien au contraire. Et je ne l'en remercierai jamais assez. C'est idiot, mais savoir que quelqu'un d'autre suit le même cheminement que soi dans la souffrance, c'est assez rassurant, au fond.
Ne changez pas l'image que vous avez de moi. Je serai toujours la vile sorcière à contre-courant qui fait des blagues atroces et qui pousse des gueulantes avant d'aller enfiler ses bottes de bobo à poules. Mais gardez dans un (tout petit) coin de votre esprit que parfois, je ne peux pas être là pour vous, parce que je suis ailleurs pour moi.
Vous avez toute mon affection, et je ne saurais vous remercier assez pour les marques de gentillesse que vous m'envoyez chaque jour. J'ai posté la vidéo d'Imbolc (une semaine après l'avoir tournée) alors que j'étais au fond du gouffre, à souffrir ma-race-sa-mère-la-fille-de-paltonnière, et lire vos adorables réactions m'a fait autant de bien qu'une boîte de Tramadol. Je me sens bénie de déclencher autant de réactions, et je suis toujours stupéfaite de voir l'intérêt que mes blablas interminables peuvent susciter. Merci. Mille mercis baveux et dégoulinants de guimauve arc-en-ciel à vous, vous êtes des lumières dans mes moments nocturnes. Jamais, en commençant cette chaîne, je n'aurais pensé en arriver là. Et tout ça, c'est grâce à vous.
Encore merci à vous, et que les poils de genou du Dagda vous épargne la sinusite et la morve au nez.