Sans doute ma baguette, puisque je ne peux pas vraiment considérer mon Grimoire comme un outil à proprement parler. Elle m'a donné du fil (de cuivre) à retordre, puisque j'ai voulu la faire en suivant une très ancienne (et très complexe ...) tradition : la faire traverser de part en part, sur toute sa longueur, par un fil de cuivre pour en renforcer le cœur. Vous avez déjà essayé de percer sur toute sa longueur le cœur d'une branche de chêne longue comme l'avant-bras, pleine de nœuds et durcie après des mois de séchage, sans la briser ni vous casser une dent ? L'horreur. Un an et un jour de travail et d'arrachage de cheveux, d'yeux presque crevés et d'entailles plein les bras, de bricolage infâme et d'échecs cuisants pour finalement y parvenir. Aucun outil n'est autant lié à moi que cette baguette pour laquelle j'ai sué sang et eau. Elle n'a l'air de rien comme ça, mais elle m'est extrêmement précieuse.
44. As-tu déjà fabriqué tes outils magiques ?
Du coup, j'y ai répondu partiellement ci-dessus. En plus de ma baguette, j'ai fabriqué mon Grimoire, énormément de bougies, un bol d'offrandes runiques en grès, cinq rosaires de perles de prière, mon cingulam, des bourses et pochettes en cuir et en tricot, mes runes, un nombre incalculable de dreamcatchers, mon pentacle d'autel, une brideòg, et sans doute plein d'autres choses que j'oublie. Mon bâton est également en cours de fabrication.
45. As-tu déjà travaillé avec des créatures magiques telles que les fées ou les esprits ?
C'est même par là que j'ai réellement commencé, puisque ma première grosse pratique magique (hors sorts de bases et divination), c'était du spiritisme. Je crois profondément aux fées, je leur adresse des offrandes régulièrement, je chouchoute les esprits des lieux (et en particulier mon Domovoï pour éviter qu'il ne me pique mes clefs de voiture), je communique quand c'est possible avec les esprits ...
46. Pratique-tu la magie des couleurs ?
Catégoriser la magie en couleurs me hérisse. Profondément. Evidemment j'utilise la symbolique des couleurs dans ma pratique (pour les bougies, les encres, les pochettes ...) mais je ne catégorise jamais rien. Pas de magie blanche ni de magie noire pour moi (et encore moins de magie rouge, verte, bleue ou violette à paillettes jaune poussin) (quoi que ça en jetterait sévère, la magie violette à paillettes jaune poussin, non ?)
47. As-tu ou as-tu eu un mentor ou un maître en magie ?
Non, jamais, et c'est tant mieux ! On me demande parfois (et j'en suis toujours étonnée à en dégringoler de ma chaise) si je peux être le maître ou le guide de quelqu'un, et je réponds toujours par la négative, car je crois profondément que le seul maître capable de nous guider efficacement, c'est nous-même. Bien sûr, on peut croiser des personnes qui, pour un temps, peuvent nous inspirer, nous éveiller à quelque chose, nous ouvrir, mais ils ne sont que des clefs pour ouvrir nous-mêmes la porte, pas des portiers destinés à nous prendre par la main pour nous faire faire le parcours de A à Z. Mon père me disait toujours que si j'avais un ami affamé, je devais lui apprendre à cultiver des tomates, pas lui donner les miennes. Il a raison. L'indépendance de pratique et d'esprit est, pour moi, essentielle pour se construire sur cette voie. J'apprends à mon ami à planter des tomates selon ma propre expérience dans mon propre jardin. En essayant à son tour, il verra ce qui convient à son jardin, et ce qui ne convient pas, et fera les ajustements nécessaires. Peut-être arrosera-t-il plus ou moins que moi. Peut-être mettra-t-il des tuteurs différents des miens, car la nature de son sol l'exigera. Peut-être paillera-t-il avec des écorces plutôt qu'avec du chanvre. Chacun doit être libre de suivre son propre chemin, pas de marcher derrière quelqu'un d'autre. Se prendre des ronces en travers du museau, parfois, ça fait du bien.
48. Quel est ton moyen de shopping favori pour les ingrédients magiques ?
Pour les plantes, mon jardin, la nature ou, en dernier recours, l'herboristerie bio de ma ville. Je privilégie autant que possible les petites structures et le local. Je sais, c'est un peu bobo de dire ça (mais après tout j'ai des poules, je ne suis plus à ça près) mais je déteste l'idée de pratiquer la magie avec un objet fabriqué à la chaîne par des enfants taïwanais sous-payés. Je récupère beaucoup en brocante ou chez les revendeurs comme Emmaüs (mes meubles aussi, d'ailleurs), et il n'y a guère que les pierres que j'achète neuves, soit dans ma boutique préférée à Big City (à deux heures de route de chez moi, donc je n'y vais pas souvent) soit dans des salons. Le reste, c'est, la plupart du temps, du recyclage. Je fabrique mes bougies, ou je les achète à mon producteur de miel (qui en plus peut me les faire sur-mesure, et ça c'est fabuleux).
Noui. Ce qui signifie oui et non. Oui car je suis convaincue, pour l'avoir expérimenté, que rien n'arrive par hasard et que certaines choses, comme certains choix ou des rencontres, sont inévitables car déjà inscrits dans notre schéma intérieur, par des vies antérieures ou parce que l'univers sait qu'on a besoin de ça à un moment précis pour avancer (je ne parle pas forcément des choses positives, mais aussi des épreuves et des souffrances. Même si je ne suis pas du genre à dire que souffrir c'est merveilleux pour mon karma parce que cela m'apprend l'humilité, je sais que certaines épreuves de ma vie sont arrivées au bon moment pour me donner une bonne leçon, que je n'aurais sans doute pas intégrée autrement. Un peu comme la claque que tu te prends sur le coin du nez alors que tu allais mettre la main sur la plaque électrique. Oui, ça fait foutrement mal, mais c'est pour ton bien, et tu ne recommenceras plus à te la jouer façon bidoche à plancha). Et non, parce que je suis aussi convaincue qu'on est tous maîtres de nos destins, et que rien n'est gravé dans le marbre. Je le vois en tirant les cartes. On te prédit une catastrophe ? Ne reste pas les bras croisés à chouiner que tu ne peux rien y faire, sors-toi plutôt les doigts du nez et agis. Tu ne l'éviteras peut-être pas, mais tu pourras toujours amoindrir les dégâts. Une sorcière avertie en vaut dix-huit.
50. Que fais-tu pour te reconnecter quand tu te sens décalée par rapport à ta pratique ?
Je file en forêt. Très vite. Et j'y plonge. Très loin. Ça marche à tous les coups. C'est même mon remède universel. Tu es fatiguée, triste, malade comme un chien, trop terre à terre, déconnectée, déprimée, mal peignée ? File en forêt. Même épuisée au dernier degré, j'en sors toujours reboostée. J'y ai vécu, je pense, dans une autre vie (et mon père aussi, mais lui s'y est perdu) (et s'y perd toujours, d'ailleurs, il a fait quatre-vingt-huit remake du Projet Blair Witch à lui tout seul), une de mes vies heureuses, sans doute, et y retourner me replonge inconsciemment dans la sensation d'immense bonheur que j'ai du y ressentir. Je ne sais pas exactement en quoi il consiste, et à vrai dire, ça n'a aucune importance. En forêt, je suis chez moi.
51. As-tu déjà vécu des expériences surnaturelles ?
Oh oui. Pas des choses très spectaculaires (à l'exception d'une "hantise" par quelque chose que les propriétaires avaient appelé un Korrigan farceur dans une maison d'hôtes en Bretagne, qui allumait la télé en pleine nuit, volume au maximum, et zappait comme un fou, déplaçait les objets, bloquait ou ouvrait les portes, volait les clefs et les lunettes pour les "rendre" suspendues dans les branches d'un arbre ou dans le compartiment freezer du frigo ...) mais suffisamment pour me convaincre de l'existence d'une foule d'autres choses en nous et autour de nous.
52. Quelle est ta plus grosse bête noire en magie ?
Très franchement je ne crois pas en avoir, sauf si on prend en compte les choses qui m'exaspèrent à me donner les expressions faciales de Mercredi Adams, et qui sont (sans ordre précis) :
.:. La mode du "Viking" (quand elle découle de la série du même nom, et pas d'une vraie passion historique, j'entends. Je fais les médiévales depuis 1999, et jusqu'à présent, si je croisais deux nordisants par saison, c'était un record. Depuis 2013, c'est l'attaque des clones) (et je ne parle pas de ceux qui essaient vainement d'écrire en runes sans en connaître les vraies sonorités) (Veu zouy oune fikinegueu)
.:. Le positivisme exacerbé (aka tout ce qui t'arrive est merveilleux. Ta grand-tante adorée est morte ? C'est fantastique, pense à la place qu'elle laisse dans le monde pour accueillir de nouvelles âmes. Tu as perdu ton boulot ? C'est fabuleux, tu vas avoir le temps de prendre des bains de pieds en faisant le point sur ta vie karmique). Être positif c'est bien. Être pro-réac-positiviste, c'est lourd.
.:. La catégorisation de la magie en couleurs. Sauf si elle concerne la magie violette à paillettes jaune poussin. Là ok, on peut discuter.
Sang-de-dragon m'sieur dame. Et non, je n'aime pas l'encens, j'adore !
54. Gardes-tu un journal de tes rêves ?
Oui, depuis 1998 (il y a donc plusieurs tomes). Il y a de grandes périodes de vide absolu, mais généralement je fais des rêves très vifs, souvent désagréables, qui me laissent un souvenir très fort. Mes cinq sens fonctionnent quand je rêve, et souvent mes rêves m'aident à dénouer des choses dans mon quotidien (je suis quelqu'un qui refoule beaucoup de choses, du coup ils me montrent que certaines choses ne sont pas résolues, par exemple, et qu'il y a encore du boulot). Et je fais parfois des rêves qui n'en sont pas (j'ai eu quelques rêves prémonitoires et pas mal de messages de guides ou d'esprits que j'avais contactés dans la journée et qui me répondent dans mon sommeil). Donc c'est très important pour moi d'en garder une trace écrite. Et comme je fais beaucoup de cauchemars, ça permet de les évacuer et de passer une journée plus sereine.
55. Quel a été ton plus gros désastre en magie ?
J'ai beaucoup de chance, je n'ai jamais connu plus gros désastre que de renverser de la cire bleue sur le tapis tressé blanc de ma mère tout en cassant en huit morceaux son bougeoir préféré. Je crois que je m'en suis voulu plus longtemps qu'elle.
56. Quelle a été ta plus grande réussite en magie ?
Un sortilège de bannissement qui a particulièrement bien fonctionné, et beaucoup plus vite que je ne l'aurais pensé.
57. Qu'est-ce qui, dans ta pratique, te fais te sentir idiote ou embarrassée ?
À vrai dire, rien du tout. Je ne me suis jamais sentie franchement idiote en pratiquant la magie, même si parfois j'aurais pu. Il m'en faut énormément pour me sentir ridicule.
58. Crois-tu que l'on peut être athée, catholique, musulman ou d'une autre foi et être tout de même une sorcière ?
Oui, évidemment. Même si les religions monothéistes rejettent aujourd'hui la sorcellerie, leurs livres débordent littéralement de pratiques magiques. Moïse et son bâton, Salomon et son anneau, la résurrection de Lazare, les mandragores de Rachel, tout est magie. J'ai eu une amie catholique qui pratiquait la magie avec moi, j'ai des amis païens qui intègrent Jésus ou Marie dans leurs panthéons. Ça ne me choque pas du tout, bien au contraire. Je suis archi polythéiste, et pourtant j'aime énormément la figure de Marie. Je ne vois pas pourquoi la foi monothéiste ou l'absence de foi pourraient être un frein à la pratique magique, qui est une manipulation de l'énergie. L'énergie ne dépend d'aucune foi, elle est là, tout simplement.
59. Te sens-tu parfois mal à l'aise, peu sûr ou même effrayé par la pratique des charmes ?
Non, jamais. Je ne me suis à vrai dire jamais posé la question.
60. T'es-tu jamais tenu à un standard dans ta sorcellerie tout en sentant que tu pourrais ne jamais l'atteindre ?
Quand j'ai débuté, sans doute oui. Mon modèle était la sorcière des bois, sauvage et libre, bien incompatible avec les aléas de la vie moderne. J'aurais voulu, il y a quelques années, être coupée du monde, autonome, vivre selon mes principes en bonne sorcière à plein temps, être toujours positive et optimiste. La vie m'a fait comprendre que c'était impossible, mais qu'en bataillant bien on pouvait trouver des compromis. Finalement, ça me va. Je ne cantonne à aucun carcan. Après tout, comme me le disait ma grand-mère, il n'y a guère que les tartes pour se sentir bien dans un moule.
61. Y a-t-il quelque chose, relatif à la sorcellerie, que tu désirerais maintenant ?
J'aimerais en apprendre plus sur l'alchimie. J'y travaille ...
62. Quelle est ta rune favorite ?
Eolh. Elle m'a sauvé la vie. Depuis, je la porte tatouée sur le poignet droit.
La Papesse. C'est celle que je tire le plus depuis quelques années, et j'ai appris beaucoup grâce à elle. C'est sans doute celle qui me ressemble le plus, avec ses qualités et ses défauts, d'ailleurs ...
64. Utilises-tu les huiles essentielles ? Si oui, quelle est ta préférée ?
Oui, je les utilise depuis pas mal d'années déjà. Ma préférée est de loin la lavande, j'en mets partout ! Dans ma chambre pour bien dormir, dans mes encens pour apaiser et attirer les bonnes ondes, dans mes onguents pour les brûlures, les coupures, les coups de soleil et les piqûres de moustique (auxquelles je suis violemment allergique. Je supporte mal la cortisone. Du coup, paf, je me fais un petit onguent miel/HE de lavande/HE de tea tree, un bon gros cataplasme, et ça repart comme en 40). Même dans mes tisanes pour le rhume, j'en rajoute quelques gouttes (et j'utilise du miel de lavande, la plupart du temps). LAVANDER FOREVER !
65. As-tu déjà pris des cours de sorcellerie ou de paganisme ?
Oui, j'ai tenté. Il y a une dizaine d'années, je me suis inscrite aux cours du Lotus, un enseignement à distance sur le féminin sacré. C'était très intéressant, mais trop restrictif et contraignant pour moi. J'aimais réfléchir aux archétypes, mais le cadre scolaire (on prend tel archétype et on rend un devoir dans des délais précis, sans que ce soit forcément en adéquation avec son parcours personnel) et l'absence de présence du masculin sacré m'ont fait lâcher. Je n'ai pas retenté l'expérience depuis, et ne compte pas le faire.
Voilà pour ce troisième volet ! À très bientôt pour la suite ...