Le 5 juillet, je serai enfin libérée du joug maladif qui me ronge, et je ferai un grand plongeon vers l'inconnu, sans harnais ni filet, mais le sourire aux lèvres.
Et je quitte mon appartement pour une maison, une vraie, avec un jardin et plein de recoins inexplorés, donc je vis dans les cartons et le papier bulle depuis trois semaines, et ce jusqu'à début juillet. J'ai plié mon autel dans une pile de boîtes, avec amour et soin (et papier de soie), et un pincement au cœur en réalisant à quel point, même pour quelques jours, il allait me manquer.
Mais ce n'était pas une raison pour ne pas fête Litha, Midsummer, Alban Hefin, whatever, bref, le Solstice d’Été. J'ai posé mon rouleau de scotch de chantier et mes marqueurs à carton pour une journée, et, avec ma compatriote de sorcelleuses équipées, nous sommes parties récolter les plantes du Solstice, panier au bras, bolline à la main et sourire béat accroché en plein visage.
Comme le veut la tradition, nous en avons cueilli neuf variétés, en remerciant la Terre comme il se doit (on finira chauves, à force). Le Soleil, à la fête, était haut dans le ciel dégagé, cuisant et radieux. Les Digitales étaient partout, et comme d'habitude le simple fait de les voir m'a réchauffé le cœur, comme si je retrouvais des amies chères et oubliées.
J'ai peu cueilli, cette année, car je ne peux pas faire sécher mes plantes correctement au milieu du capharnaüm qu'est devenu mon appart. J'ai pris juste de quoi faire mon bouquet. Le reste attendra début juillet, tant pis, on verra ce que Dame Nature aura laissé pour moi.
Et ça n'a pas loupé, nous avons dégoté un petit espace forestier adorable et accueillant près d'un chemin privé (mais chuuuuuut, on a demandé aux arbres de nous couvrir, au cas où), près d'un hêtre tordu, entourées de bébés houx d'un beau vert pomme (et harcelées par les moustiques, mais bon, ceux-là sont des fillettes comparés aux vampires bretons qui ont fait de mes jambes une maquette de Bagdad post-bombardements)
J'adore ce sabbat, même si j'ai longtemps eu du mal à le comprendre, à cause de son paradoxe (on fête le Soleil à son zénith, mais dès le lendemain il commence à diminuer, je trouvais ça tellement triste). Mais en grandissant (non, pas en vieillissant, je ne vieillis pas, MOI, je grandis, nuance) (je serai une sale gosse jusqu'à la fin de mes jours, qu'on se le dise), j'ai compris que justement, c'est ce moment de transition, cet équilibre instable, qui vaut le coup de s'arrêter et de respecter un moment d'immobilisme pour le célébrer, emmagasiner sa force, et avancer en harmonie avec le temps qui passe.
Le soir approchait doucement quand nous avons dégusté notre repas de sabbat, Salade Jaune (blé, maïs, emmental) et Pannacotta mangue-passion, le tout arrosé d'Hydromel-Mandragore (la production d'un compatriote de fêtes médiévales, qui glisse des morceaux de racines de mandragore officinale dans ses bouteilles d'hydromel. Le résultat est particulièrement puissant et délicieux) (mais tape sérieux sur la ciboule si on en abuse) (comme disait le sage, "Bacchanale infernale, mal à l'encéphale") (Trop d'ivresse, mal aux fesses).
L'avenir est noyé dans la Brume, comme l'Île d'Avalon ou les Sidhs un soir d'automne. Cette Brume m'égare mais ne m'effraie pas. Le Soleil m'a prêté sa force pour y trouver mon chemin.