Le tout premier sujet fédérateur tourne autour d'une forme de divination très intuitive et personnelle, la perception des signes, "les intuitions personnelles, les signes que l'on reçoit : comment on sent que c'est des signes ? est-ce qu'on les suit ? Qui les envoie ? D'où vient notre intuition et nos certitudes intérieures ?"
Bizarrement c'est quelque chose que je n'avais jamais mis en mots (ni même en pensées, mais mon cerveau me donne le sentiment d'être complètement embourbé ces derniers temps) et que pourtant j'utilise énormément. Je suis le genre de personne qui, pour avoir la réponse à ses questions, va compter les voitures bleues en allant au boulot en se disant un truc du genre "si j'en croise plus de treize, alors ma demande d'emprunt de pieds de tomate-cerise va être acceptée".
Le pire ?
Ça marche drôlement bien.
C'est étonnant, parce que je suis de celles qui cherchent les signes, qui vont à leur rencontre, qui les réclament, et finalement la réponse est très souvent exacte. A croire que mon cerveau mou sait à l'avance la réponse à la question, et cherche un signe adéquat pour le faire comprendre à mon imbécile de conscient (qui est parfois un peu obtus) (genre "non non, je ne suis pas stressée du touuuut, n'impoooorte quoi", alors que j'en suis à ma cinquième crise de tachycardie en vingt minutes)
Le pire ?
C'est qu'en trois ans, c'était la première fois que le facteur passait outre l'autocollant "pas de publicité, merci" de ma boîte aux lettres, et ça a été la dernière.
Même nos rencontres avec les gens m'apparaissent quelquefois comme des signes, comme si ces gens-là devaient croiser notre route, à ce moment-là. Mon Barbichu (pour lequel j'ai reçu pléthore de signes aussi) était l'ami d'enfance de ma meilleure amie, et le meilleur copain du frère de mon amie d'enfance. On a donc passé quasiment toute notre vie à nous croiser, sans se voir. C'est amusant, parce qu'aujourd'hui il nous arrive de recomposer des histoires avec les fragments qu'on a vécu chacun de notre côté. Je n'ai jamais pensé que nous nous soyons croisés par hasard, et même son père, très attentif à ce genre de choses (il en a vécu pas mal également), m'a dit lui-même qu'il croyait aux signes.
Même ma rencontre avec mon ancienne compatriote de sorcellerie n'était pas anodine (c'est pas tous les jours qu'une fille que vous ne connaissez ni d'Arsk ni d'Embla se plante devant vous en vous disant "t'es une sorcière, non ?" en plein cours de sport en seconde). Je pense qu'elle était ouverte aux signes, elle aussi, des signes d'une autre nature, qui lui ont fait comprendre qui j'étais rien qu'en me jetant un coup d’œil.
Et ce ne sont que deux exemples parmi d'autres (récemment, j'ai même rencontré un païen pendant mon IRM, qui connait Marie des Bois de la même manière que moi, et dont mon père est l'accordeur de piano, et qui m'a identifiée comme païenne par la rune tatouée sur mon poignet). Ce sont ces synchronicités (je ne parle jamais de coïncidences ou de hasard, parce qu'à mes yeux les choses n'arrivent pas sans raison) auxquelles on peut prêter l'oreille pour écouter ce qu'elles ont à nous dire.
Notamment ceux envoyés par les animaux. J'ai trouvé mon premier totem, la Chouette Hulotte, après une succession de signes envoyés respectivement par une Biche, une Buse Variable, et la Chouette elle-même.
Comme la Pie Bavarde est mon second totem, je me fie aussi à la fameuse comptine qui prend le nombre d'oiseaux que l'on peut voir ensemble comme support de "divination" :
Two for joy
Three for a girl
Four for a boy
Five for silver
Six for gold
Seven for a secret that's never been told
J'ai une manie, je salue toujours les pies d'un signe de tête, et les corbeaux d'un "Bonjour messire". J'ai l'air d'une grosse truffe, mais au moins si jamais l'une de ces pies est la Reine des Pies et si l'un de ces corbeaux est le Roi Arthur, j'aurais montré le respect qui s'impose ...
Enfin cela dit je ne suis pas non plus une foldingue des signes capable de tout laisser tomber au moindre vol de pigeons sur la place Saint Marc, mais disons que j'essaie toujours de garder l'esprit ouvert et le nez au vent. Vent qui m'a soufflé, alors que j'avais à peine 14 ans, mon nom de Sorcière entre les branches des peupliers.
Mais tout ça soulève forcément l'Eternel Questionnement de la Phropétie de la Banane Mystique (EQPBM) : comment savoir si ces "hasards" sont vraiment des signes ? Qu'est-ce qui va différencier un vol de corbeaux d'un signe dans le vol de corbeaux ?
Je crois que ça se passe surtout dans nos ressentis. Parfois, on voit un vol de corbeaux, on le trouve beau, majestueux, mais ça s'arrête là. D'autres fois, on sent, comme une évidence absolue, que cela signifie quelque chose, que ce n'est pas anodin, même si on est parfois incapables de dire pourquoi. Comme les rêves, en fait. Quand je rêve que je mange un hamburger dans un tyrannosaure empaillé avec Zachary Quinto et que le ketchup que je fais tomber va le ramener à la vie, je me réveille en me disant que j'aurais sans doute dû éviter les frites surgelées la veille. Par contre, quand je rêve que je me découpe les doigts pour nourrir une Pie, que je m'arrache la peau des paumes pour sauver mon Datura ou que je plonge dans la poitrine palpitante d'une Chouette, là je sens que ce n'est pas anodin, que mon inconscient essaie de me dire quelque chose qui échappe à mon conscient (ce truc bouché à l'émeri).
Quant à savoir qui les envoie, c'est une vaste question. Parfois, j'ai simplement l'impression que c'est mon inconscient qui cherche à trouver un moyen de se faire entendre (les signaux de fumée seraient moyennement bien reçus). Mais à d'autres moments j'ai vraiment la sensation que tout ça me dépasse complètement. Quand le Vent m'a chuchoté mon nom de Sorcière à l'oreille, quand je croise une biche qui me laisse lui toucher le front et me fait un signe de tête, quand je reçois une foule de catalogues avec des phrases éloquentes dans ma boîte aux lettres, je me dis qu'il y a forcément une force plus grande que moi, beaucoup plus grande, qui vient me faire un petit coucou (ou une grande claque dans les dents en hurlant "mais bon sang, espèce de courge, tu vas ouvrir les yeux, oui ?!"). Peut-être des Dieux, peut-être l'Univers, peut-être le destin, je ne peux pas avoir de certitudes. Sur le Puy-de-Dôme, en cette après-midi de doute, peut-être est-ce Mercure qui m'a entendue, son temple étant tout proche. Peut-être que c'était le Vent d'Ouest, qui soufflait si fort sur le volcan. Peut-être que c'était le Volcan lui-même. Ou l'Esprit du Lieu. Je ne le saurais jamais avec certitude, et finalement ça ne me dérange pas. Il y a certains mystères qui doivent probablement le rester.
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